Hier soir j’ai écouté le très beau film Intouchables. C’est l’histoire vraie d’un milliardaire tétraplégique qui engage comme aide à domicile, un jeune issu des banlieues parisiennes. Ça m’a fait songer à ce week-end que nous passions ma conjointe et moi à l’auberge du Lac Taureau.
À la sortie de notre chambre, il y avait un grand balcon sur lequel je sortais fumer une clope aux trente minutes. Mon voisin de palier était un homme à l’allure d’un chef de gang de motards avec de nombreux tatouages et une gueule de tueur. Nous nous regardions (je devrais plutôt dire épions) épisodiquement. Puis, un détachement de la Sûreté du Québec apparut sur le terrain juste en face de nous, j’étais certaine qu’ils venaient là pour le chercher. Mais après quelques instants je réalisais qu’ils étaient plutôt là parce que leur bateau de service était amarré juste devant nous et qu’ils commençaient leurs chiffres.
À un moment donné, Bibitte Électrique est sorti à son tour et est venu me faire un baisé avant de s’asseoir près de moi. Notre voisin engagea la discussion sur le beau temps qu’il faisait. Ça ne dura que quelques secondes. Un peu plus tard, les enfants de notre voisin sortirent à leur tour, puis son épouse, puis sa belle-mère.
Le lendemain nous recommençons le stratagème, mais en discutant toujours un peu plus à chaque sortie. Puis il me dit « vous êtes un travesti? », je lui réponds « et vous un Hell’s Angel’s? ». Il partit à rire et moi aussi. Il venait de réaliser que j’avais tout autant de préjugés à son endroit qu’il en avait au mien. Il était un propriétaire de garage de débosselage avec une allure de tueur et j’étais une transsexuelle en début de transition avec une allure de travesti. Il était un bon père de famille qui écoutait au doigt et à l’œil son épouse et j’étais une bonne conjointe qui écoutait aussi au doigt et à l’oeil sa conjointe. Nous avons parlé de nos appréhensions et préjugés respectifs et rions d’un bon coup de ces fausses idées que nous avions l’un de l’autre. Si nous étions restés là encore quelques jours, nous serions sans doute devenus amis. Pourtant, au départ, nous avions tous deux de gueules, des looks, des attitudes, des vies qui ne correspondaient vraiment pas ce à quoi chacun s’imaginerait de l’autre.
Cette situation se répéta encore quelquefois durant ma transition. Elle se répète encore plusieurs fois par an. Les préjugés ont la vie dure. La réalité est souvent par contre très, mais là vraiment très différente…
samedi 19 janvier 2013
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