Hier j’étais à une conférence de presse et soudain, je vois une vieille connaissance avec qui j’ai travaillé durant un certain nombre d’années. Appelons-le Louis-Marie. C’est un noir et j’étais son patron. C’est une personne vraiment gentille qui a toujours foncé malgré les préjugés liés à son statut de noir. Je me souviens de son désir de performer et de défoncer des portes qui l’avait un jour mené à mon bureau. Il voulait être VJ pour la tournée VidéoDanse Musique Plus. Il avait toutes les qualités pour faire le boulot et même plus. Mais il était noir. Or, à cette époque (les années 90), la tournée vidéoDanse Musique Plus se promenait dans le Québec Profond. Plusieurs événements faisaient des tirages de bottines « doc Martin » qui étaient l’apanage des « skinheads » et le grabuge des jeunes était quelquefois palpable. D’ailleurs, certains VJ devaient stationner le véhicule de la compagnie, à une distance sécuritaire de l’aréna, pour ne pas que la foule s’en prenne à lui. C’était donc, selon ma conception, risqué d’exposer une personne de couleur à de potentiels racistes. J’exposais ces faits à Louis-Marie qui s’empressât de me traiter de raciste et me fit valoir que s’il était pour manger des claques sur la gueule, il saurait se défendre et que ce n’était pas à moi de présupposer des difficultés qu’il pourrait rencontrer. Ça a été une grande leçon d’humilité et je me rendis compte qu’il avait tout à fait raison et je lui donnât sa chance. Il devint vite l’un des meilleurs VJ que nous aillons jamais eu.
Cette longue introduction pour vous dire qu’hier, j’ai revu Louis-Marie. Il ne lit pas les journaux et n’écoute pas la télévision. Lorsque je le vis, il était en plein travail, je lui dis « bonjour Louis ». Il me répondit, mais qui êtes-vous, est-ce que je vous connais? Je lui répondis ce que je disais dans le temps « Voyons tabarnak Louis-Marie », c’est là qu’il me reconnut à ma voix. Il me dit, mais qu’est-ce que tu fais habillé en femme? Je lui dis « mais voyons, c’est l’Halloween qui s’en vient ». Subjugué, il partit continuer son travail. Ses collègues qui savent qui je suis lui racontèrent mon cheminement. Ce matin, il me téléphone dans tous ses états. Il a peur que je ne l’aie perçu comme faisant preuve de mépris et de préjugés à mon égard. Surtout, qu’il se souvient très bien de déjà m’avoir fait la morale sur « mes soi-disant » préjugés. Il n’a pas dormi de la nuit et ce sens vraiment mal de sa réaction. Pour le taquiner, je le fis languir dans sa culpabilité, puis le rassura quant à ma perception de l’incident. Quel étrange retour des choses? J’ai bien hâte de revoir ce vieux copain et de continuer de le taquiner sur « ses préjugés » transphobes et de développer notre relation sur de nouvelles bases. J’ai d’ailleurs terminé l’entretien en lui envoyant de gros bisous…
mercredi 16 septembre 2009
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5 commentaires:
Belle anecdote. Comme quoi... c'est humain, d'avoir des préjugés. C'est le "mode par défaut", bien souvent. Il faut aller "décliquer" la petite case pour que les perceptions passent en mode sans préjugés.
Dans une moindre mesure, je suis moi aussi parfois victime de préjugés, parce que je suis belle-maman dans une famille recomposée. "Oui, mais t'es pas leur mère." Ouain, pis? Ça prend du temps et de l'ouverture pour réaliser que l'autre n'est pas si "autre" que ça.
Dans un autre ordre d'idées (pis tant qu'à avoir de la jasette...) je voulais dire que, en plus d'être personnellement une fan de votre parcours, j'ai parlé de vous dans un contexte professionnel! Je suis conseillère pédagogique TIC dans un cégep et quand un prof d'anthropologie m'a dit qu'elle avait un module de son cours sur le trans-genre, je lui ai tout de suite fourni un paquet de références sur vous! Elle était enchantée. J'ai hâte de connaître la réaction des étudiants.
Se battre contre les préjugés, ça se fait par l'éducation. Et tant qu'à être à l'école... autant en apprendre un peu sur la vie...
Très touchante anecdote empreinte, comme toujours, d'authenticité.
J'enseigne un cours sur la diversité sexuelle dans mon université. Dans ce cours, une copine à moi, transsexuelle, vient offrir un témoignage. La dernière fois que j'ai offert ce cours, un jeune homme noir, très croyant et qui avouait au départ ses préjugés transphobes, s'est levé, suite au témoignage et a applaudi, ému. Ce témoignage et ses préjugés de départ l'ont connecté avec ses difficultés vécues au niveau du racisme. Bref, c'était un très beau moment.
À cet effet-là, je crois que le témoignage que vous offrez permet à plusieurs personnes de confronter leurs préjugés et de vivre de beaux moments d'authenticité.
Julie
Bonjour Michelle,
J'ai vraiment hésité avant de t'écrire ce message. Pourquoi ? Parce que je te respecte, et parce que je ne veux pas te blesser. Je m'explique. Je suis dans la trentaine, et dans une génération qui en a vu de toutes les couleurs, si je peux dire. J'ai appris à t'apprécier à travers tes propos, tes blogues, etc. Je suis capable de voir le fond du personnage. Quand je pense à la génération de mes parents, je vois un bloquage. Pour eux, ils se limitent à l'apparence et ne veulent aller plus loin. Tout cela me fais dire que, bravo pour tes efforts, mais la guerre n'est pas gagnée. Si tu as choisi d'incarner un personne féminin, tu ne dois pas lâcher prise parce ton opération est faite. Non. Tu dois continuer ta démarche. Tu dois convaincre les 50 ans et plus que tu es femme, et ce, sans tomber dans la caricature. C'est très délicat finalement tout ça. Je te respecte énormément de vouloir y accéder, mais je ne sais si j'aurais une telle détermination. Michelle, tu dois travailler encore la féminisation de ton visage. Tu dois travailler ta voix. Je suis honnête, je ne veux te faire du mal, car au niveau du contenu, tu es vraiment spéciale. Pour les gens allumés, sensibles, comme moi, c'est difficile de ne pas t'apprécier, mais pour la masse, tu demeures un phénomène et tu dois faire en sorte qu'ils ne voient plus l'ombre de l'homme en toi. Je te souhaite la meilleure des chances dans ton parcours.
Carlo
Bonjour Michelle,
Je ne vous connaissais pas avant que j'arrive a Montreal, mais en lisant une revue d'affaires a YES j'ai ete tres touchee par votre transformation ... je voulais juste vous dire que je vous souhaite le meilleur du monde et bon courage dans cette nouvelle vie!
Une roumaine a Montreal,
Ionela Paulescu
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